Bernard Plossu, photographe
La Ciotat, janvier 2020
Texte extrait de l’ouvrage Islande, île Noire de Marc Pollini aux éditions de l’air, des livres.
Un poème dingue
…Vent, pluie, chevaux, gel, brume, routes et cet avion abandonné… Le vent souffle si fort, si vite… Plus que froid, glacial. Marc Pollini arrive à photographier cela ; sûrement penché et même renversé par la force du vent ! Et gelé. Les doigts qui souffrent, et malgré tout, des photos, des tas de photos, parce que nous les photographes, quand on sent si viscéralement un sujet, on est possédés, on ne peut pas ne pas l’être. Une «île noire», certes… Je pense aux dessins de Victor Hugo, les éléments déchaînés par les tempêtes, les bateaux carcasses qui errent dans le même genre de paysages. On imagine l’Islande rude. Quand on n’y est pas allé, on a vu des images dans des catalogues touristiques vantant la paix et le silence. Mais là, voilà des photos qui crient, grondent, courent aussi vite que le vent qui balaie la neige sur les banquises. Rien de plat, le relief explose, des couleurs jaillissent, de drôles de couleurs : noir-gris, noir-blanc, gris-noir…Voilà une vraie Islande, là où les voitures ont peur, où la glace dérape, où les sens ne se contrôlent plus, où le froid pénètre les vêtements et le corps et le cœur et les yeux et le nez… Noire, mais noire et blanche, la neige blanche non pas amie, mais élément parmi d’autres qui contribuent à la violence de cette extraordinaire beauté… Ces photographies d’une grande et belle force nous fascinent, nous envoûtent. Pas de sorcellerie, c’est le climat qui parle des dieux et de l’enfer! En découvrant ces images, on ne sait plus où on est. Les pages du livre tournent avec frénésie. On est dans un poème dingue et incontrôlable ! Pollini est le mage, le visionnaire, le roc, l’œil qui vibre avec tous ces éléments. Il est dépassé sûrement, mais c’est essentiel en photo ! Un sujet doit nous posséder à tel point qu’il en devient hors de contrôle et nous déborde. Pareil pour le lecteur qui perd également ses marques…Victor Hugo est par là qui crie et s’y reconnaîtrait… Il ne faut surtout pas savoir la fin, surtout pas… D’ailleurs, y en a-t-il une ? Seul le gel a la réponse…